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Play It Loud !!!! Le rock'n'roll, c'est fait pour la scène...
2 janvier 1998

The Clash - Jeudi 29 Septembre 1977 - Bataclan (Paris)

1977 09 29 The Clash Bataclan Billet

Voilà, c’est avec ce concert là que tout change. Cela fait de nombreuses semaines que les singles des Pistols tournent en rotation lourde sur nos platines dans la résidence de l’Ecole, et nos voisins nous haïssent. L’album des Saints, “Stranded”, puis celui des Clash aggrave notre cas. J’ai décidé que le mouvement punk était pour moi. Je me confectionne mes premiers t-shirts fluo, me coupe (un peu) les cheveux, et me balade dans Paris avec mes badges. Daniel, mon copain guitariste émérite, abandonne temporairement l’étude du luth pour repasser à la guitare électrique. Ce jeudi soir, nous sommes tous deux là, devant le Bataclan, pour une soirée dont on pressent qu’elle va entrer dans la légende.

Les jeunes gens qui attendent l’ouverture des portes font peur aux passants parisiens qui n’ont encore jamais vu de punks. L’ambiance est tendue, nous entrons au bar du coin, où nous tombons sur… les Clash en train de boire des bières et de jouer au flipper. Paul Simonon perd sa partie et me laisse la place sur la bécane : c’est con, c’est tout simple, mais le Rock est ce soir-là bien loin des Who, Stones et autres que je vénérais encore il y a deux mois. Quelque chose a changé, et il n’y aura plus de retour en arrière pour moi. Le rock que j’aime, désormais, ce sera celui-ci, je le sais, le rock de la rue, joué par des gens comme moi, pas par des stars inatteignables. Maintenant, même si le concert des Clash était mauvais, le principal était advenu. Mais ce concert, il sera loin d’être mauvais.

Dans la salle, curieusement, l’atmosphère est moins dure qu’on pouvait le craindre, ou l’imaginer en repensant aux images entrevues çà et là des concerts punks à Londres. Et les jolies punkettes de Lou’s qui ouvrent pour le Clash, seront traitées avec beaucoup de bienveillance par le public, Respect, même si ce respect est probablement plus gagné par le look et l’attitude des filles que par leur musique, assez dispensable.

1977 09 29 The Clash Bataclan 02

Nous sommes en plein centre, au second rang, idéalement placés. Du reggae sur la sono, quand le quatuor de The Clash entre sur scène. Mick Jones a les cheveux longs (hérésie ?) et le col relevé. Simonon, avec lequel j’ai partagé un flipper, a le bon look punk comme on a appris à le connaître et à l’aimer ces derniers mois. Strummer est en veste rouge : “London’s Burning” hurle-t-il, de son étrange voix cassée ! J’ai les cheveux qui se dressent sur la tête. Version très semblable à celle de l’album, qui se termine par un solo tranchant de Mick Jones : oui, les Clash savent jouer, et bien. On n’est donc pas dans le cliché véhiculé par les Pistols, par exemple, mais devant un groupe de Rock qui envoie.

La musique de The Clash n’est pas particulièrement violente, on est loin des Stooges ou même des Sex Pistols, non, elle est juste incroyablement pleine de rage, de fierté, d’un sens de la rébellion incendiaire, enthousiasmant. Joe postillonne comme un diable épileptique, Mick est par contre l’image parfaite du rocker classieux. Paul est impeccable avec sa basse portée très bas et son look élégant. Le nouveau batteur frappe comme un métronome emballé. Curieusement, pas vraiment de pogo dans le public (le pogo est cette nouvelle danse verticale inventée par les Anglais pour dévaster les salles de concert), les Parisiens paraissent plutôt fascinés par ce qui se passe sur scène, par cette absolue nouveauté que constitue cette musique inouïe.

Complete Control, nouveau single à la mélodie magnifique, confirme : « oh oh oh… », on chante avec Joe. « Total See-o-n control - that means you! » sur un final forcené, encore une fois emmené par la guitare de Jones.

1977 09 29 The Clash Bataclan 03

Je connais par cœur chaque chanson de l’album, et je serai suis surpris de voir qu’une bonne moitié de la setlist est consacrée à des chansons encore inconnues, mais qui sonnent encore mieux que celles de l’album : visiblement, le groupe n’a pas de problème de créativité !

Mon pote Daniel est juste devant Joe (nous sommes au premier rang, bien sûr) et observe les accords : ce soir, de retour au dortoir de l’école, il pourra nous faire une démonstration de ce qu’il a retenu.

« Une nouveau chanson, a Clash reggae… »  annonce Joe, en franglais : du reggae, oui, et qui fait danser, chalouper même tout le Bataclan. Mais aussi une mélodie accrocheuse sur la guitare décidément enchantée de Mick Jones.

Le nouveau titre suivant, qui s’appelle a priori Capitol Radio, fait remonter la température.

« OK, Mick Jones, une chanson » réclame Strummer, encore une fois en français dans le texte : c’est Hate & War, et Jones chante plutôt mal, il a tendance à brailler, mais on est contents de retrouver un titre qu’on connaît.

« In… the… City… of… the Dead! », martèle Strummer. Riff impeccable. Daniel mémorise, mémorise les accords, celle-là est vraiment bien.

Les morceaux sont tous en-dessous de la barre des deux minutes, mais l’énergie dégagée est impressionnante. Strummer, souriant et postillonnant à la fois, vitupère : « I look to my left, and I look to my right ! ». Dès la première écoute, ces chansons sont tellement évidentes qu’on se sent capables de chanter avec lui. Simonon, clairement le plus cool du groupe, danse, la basse tenue très basse. « I don’t wanna be a prisoner ». Nous non plus, Joe, nous non plus !

1977 09 29 The Clash Bataclan 01

Un autre reggae, pour se détendre un moment, le Police & Thieves de Junior Murvin. Marrant, sur l’album, on a l’impression que le groupe est parti explorer un autre territoire que le sien, alors qu’ici, sur scène, c’est évident que ce morceau, c’est du Clash pur jus, la jonction entre la musique jamaïcaine et le rock à la fois raide et mélodique du groupe est invisible. La basse de Simonon est à l’honneur, et on se rend d’ailleurs compte combien cette rythmique qui fait danser est essentielle.

Ça hurle un peu dans la salle, mais l’ambiance reste bon enfant. Et puis le Clash fait parler la poudre : “I’m so Bo-o-ored with the U-S-A ! What can I do?” Enfin un pogo, le chant de Strummer est magistral. D’ailleurs il l’a été depuis le début… magistral, élégant, intense, revendicateur, classe. Classique même, ou plutôt un nouveau Classique.

« He's in love with rock'n'roll, whoa / He's in love with gettin' stoned, whoa / He's in love with Janie Jones, whoa / He don't like his boring job, no », c’est Janie Jones, encore plus rapide que sur l’album, encore plus excitante. Je sens les larmes de bonheur qui me montent aux yeux : “Let them know ! Let them know !” Oui, pas de souci les mecs, on va leur faire savoir.

« Before we go, Garageland! » : « We're a garage band / We come from garageland », le plus beau refrain sur la meilleure mélodie à date composée par Strummer / Jones, ça bouge beaucoup maintenant dans le Bataclan, quelques crachats volent aussi, pour dire qu’à Paris, on est pas plus c… molles qu’à Londres, hein !

Et puis bien sûr, White Riot, à trois cents à l’heure, tellement rapide qu’on ne peut même plus pogoter : « White riot, I want to riot / White riot, a riot of our own », oui, elle arrive l’émeute, la nôtre…

« What the hell is wrong with me? / I'm not who I want to be ». Je ne suis plus sûr à ce stade-là que je connais encore mon nom, mais ça n’a guère d’importance.

« Paris… is beginning to sizzle… » ironise Joe. « Paris is Singing ! » hurlements ! Reprise finale de London’s Burning ! Avec Joe qui cite les noms de groupes parisiens qui comptent en ce moment : « Asphalt Jungle ! The Stinky Toys ! etc. ». Oui, on est en 1977, et Paris chante le punk !

1977 09 29 The Clash Bataclan 04

Et c’est fini.

Quelle setlist ! Que des chansons impeccables, qu’on les connaisse déjà ou non, que des chansons qu’on a envie de chanter avec eux, qu’on aura envie de chanter encore et encore ce soir, quand on rentrera… Mais le plus important, ce n’est pas le talent, évident, de Clash : le plus évident, c’est ce sentiment que la révolution, notre révolution est là.

Bon, le set n’aura pas duré très longtemps, dans les 50 minutes, mais l’enchaînement rapide de chansons brèves jouées à fond a provoqué un effet de satisfaction intense, et nul ne songe à protester quand le groupe quitte la scène…

Comme dans un rêve, nous sortons du Bataclan, mais il nous est difficile de partir si vite, de laisser les groupes de punks qui zonent encore autour de la salle. Les automobilistes qui passent trop près du trottoir ont d’ailleurs la désagréable surprise de voir leurs portières “latées” à coups de Doc Martens.

Oui, Paris ce soir a chanté, mais c’est le monde tout entier qui chante avec moi, alors que je rentre vers Châtenay-Malabry : j’ai rencontré LA musique de ma vie.

 

Les musiciens de The Clash sur scène :

Joe Strummer – lead vocals, rhythm guitar

Mick Jones – lead guitar, vocals

Paul Simonon – bass guitar, backing vocals

Nicky "Topper" Headon – drums

 

La setlist du concert de The Clash :

London's Burning (The Clash – 1977)

Complete Control (Single – 1977)

1977

Protex Blue (The Clash – 1977)

(White Man) In Hammersmith Palais

Capital Radio (Capitol Radio EP – 1977)

Hate & War (The Clash – 1977)

City of the Dead

The Prisoner

Police and Thieves (Junior Murvin cover) (The Clash – 1977)

I'm So Bored With the U.S.A. (The Clash – 1977)

Clash City Rockers

Janie Jones (The Clash – 1977)

Garageland (The Clash – 1977)

White Riot (The Clash – 1977)

1977

What's My Name (The Clash – 1977)

Paris Is Singing

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Commentaires
M
Chouette chronique ! Clash, et quelques autres, a changé ma vie mais je ne les ai jamais vus avec Mick Jones ... trop jeune à l'époque. Merci pour le voyage !
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R
Ce concert est évoqué au début du roman :<br /> <br /> https://www.castorastral.com/livre/requiem-pour-un-keupon/
Répondre
Play It Loud !!!! Le rock'n'roll, c'est fait pour la scène...
  • Depuis que j'ai 15 ans, ce qui nous fait un bail, je fréquente les salles de concert de par le monde, au gré de mon lieu de résidence. Il était temps de capturer quelque part tous ces grands et petits moments d'émotion, de rage, de déception, de plaisir...
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